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LES BELLINI.

Pisanello avaient illustré soixante ans plus tôt : la réconciliation d’Alexandre III et de Frédéric Barberousse, grâce à l’intervention de la République. Gentile dut trouver là l’occasion de développer à loisir son goût pour les vues de ville et pour les pompeux cortèges, au premier rang desquels étaient représentés, au mépris de toute chronologie, ses plus illustres concitoyens. Il avait même trouvé bon, parait-il, de tracer, sur la dixième toile, une inscription rappelant son séjour à la cour du sultan et les honneurs qu’il y avait remportés.

Le désastre de 1577 anéantit également la frise de la salle, sur laquelle les peintres officiels devaient représenter les portraits des doges. Si les deux tableaux du musée Correr peuvent être considérés comme des répliques de ces œuvres, Gentile semble être revenu, pour ce genre de décoration, au buste de profil, suivant la manière de Jacopo.

C’est à cette même période de la vie de l’artiste qu’on attribue la Madone signée de la collection Mond, à Londres. La richesse de la robe de brocart, le fini des détails, la profondeur du coloris, où domine la gamme des rouges, rappellent le portrait de Mahomet. D’ailleurs, la signature est suivie du titre d’eques aureatus que Gentile s’attribua après son retour de Constantinople. Le motif de l’enfant nu, debout, la main droite levée pour bénir, la main gauche tenant une pomme, combine les deux attitudes que lui donne Jacopo à Lovere et à Venise, tandis que la richesse du trône de marbre, dans lequel s’incrustent des disques de porphyre, révèle l’influence du style des Lombardi.