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LES BELLINI.

puissance de son modèle et la perfection de sa technique, mais c’est de Jacopo qu’il tient ces qualités imaginatives et ce caractère dramatique qui contribuèrent surtout à l’affranchir du joug de l’école [1].

Vasari raconte que Squarcione conçut quelque dépit du mariage de son élève préféré avec la fille de son rival vénitien. Prévoyait-il que Jacopo réussirait à affranchir Mantegna du joug humaniste sous lequel il prétendait l’écraser ? Une réflexion pourtant dut le consoler : c’est que, par un singulier retour, les deux fils Bellini, et plus particulièrement Giovanni, se trouveraient, à leur tour, obligés de payer tribut à la technique squarcionesque. Nous le verrons, Mantegna joue presque le rôle d’intermédiaire entre le père et ses fils. Au début de leur carrière, ceux-ci semblent exclusivement absorbés par le génie de leur beau-frère et ils lui empruntent précisément ces habitudes d’école dont Jacopo l’avait, en partie, dégagé. Ce n’est que plus tard, la crise squarcionesque passée, que Gentile et Giovanni reprennent goût à la tradition de famille et se montrent les dignes héritiers du génie paternel.

Cet échange d’influence et de contre-influence eut tout

  1. J’ai indiqué déjà quelques analogies de détail propres à déceler nettement l’influence que le fondateur de l’école vénitienne exerça sur le jeune Padouan. Qu’il nie suffise de signaler, en passant, les fresques des Eremitani relatives à saint Christophe (à comparer avec les dessins de Jacopo traitant le même sujet), le Christ au Jardin des Olives de la National Gallery, qui, comme sa réplique signée par Giovanni, fut inspiré par une esquisse du livre de Londres, et le triptyque des Offices, dans lequel le sujet principal s’affilie aux Adorations des Mages du recueil du Louvre.