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LES BELLINI.

Il suffisait d’ailleurs à Jacopo de pénétrer dans l’église Saint-Marc pour trouver des exemples d’un art plus vigoureux. Sur la balustrade qui sépare le chœur du transept, les frères Massegne avaient sculpté, dès 1394, les figures des Apôtres, de Marie et de Saint Marc, et l’enfant dut suivre des yeux, entre deux prières, les sobres contours de ces statues que les maîtres de Pise semblent avoir animées de leur souffle. Une comparaison confuse devait s’établir, dans son esprit, entre la souriante éclosion de cet art nouveau et la rigide splendeur des mosaïques des voûtes. Peut-être a-t-il également, au cours de ses flâneries sur les quais, observé le travail de l’un de ces nombreux sculpteurs anonymes qui contribuèrent à faire de la façade principale du palais des Doges une des merveilles du monde.

Mais ce n’étaient là que des impressions d’enfance. Qui sait ? Le petit Jacopo ne songeait peut-être encore qu’à être « estamyer » comme son père. Sa Vocation décisive ne dut se déclarer que le jour où parurent, sur la place Saint-Marc, entourés de leurs élèves, salués par les nobles et par le peuple, comme des princes au milieu de leur cour, deux maîtres, Gentile da Fabriano, dans toute la gloire de l’âge mur, et le Véronais Pisanello, dans tout l’éclat de ses premiers triomphes.

Il règne une grande incertitude au sujet de la date

    séjour de ces maîtres à Venise. Il est donc difficile de se représenter quelle action cet humble précurseur, dont la physionomie reste flottante et indécise, peut avoir exercée sur le jeune Jacopo.