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LES BELLINI.

peinture vénitienne si elle n’avait pas eu d’autres initiateurs que les Vivarini ? Si elle s’était mue, tout au long du xve siècle, dans le cadre restreint des tableaux d’autel, si elle n’avait eu d’autre but que d’orner l’église, si elle n’en était pas sortie pour courir le monde, si elle n’avait décrit la ville et la campagne, les nobles et les manants, les bêtes, les arbres, les collines (l’Italie et jusqu’aux minarets d’Orient ?

Ce qui distingue, en effet, l’art des Bellini, c’est son universalité. Ils n’accueillent pas seulement les influences extérieures, ils se les approprient et les transforment. En vrais Vénitiens, ils sont peintres avant tout. Jacopo s’éprend d’architlecture et de perspective comme Giovanni se grise de couleur. Tour à tour, Gentile da Fabriano, Pisanello, Squarcione, Mantegna, les artistes flamands et Antonello de Messine font entendre leur voix dans leur bottega ; et Giovanni, à l’âge de quatre vingts ans, ne dédaigne pas d’écouter celle du jeune Giorgione. Tous les sujets leur sont bons. Pour un peu ils mettraient le monde entier dans leurs œuvres. Il parcourent toutes les avenues de l’art. D’autres peut-être les ont ouvertes, mais nul n’en rapporte un butin plus précieux. Ils ne se laissent arrêter ni par le doute, ni par l’érudition. Ils se lancent dans toutes sortes d’aventures, dont ils se tirent toujours avec honneur et avec profit. Ils travaillent pour la plus grande gloire de la Vierge et de Venise, pour la joie de caresser une ligne et d’étaler une couleur. Ils peignent comme ils respirent. Ils conservent, jusqu’au bout, la fécondité ingé-