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LES BELLINI.

Isabelle de Gonzague mettait ses portraits au niveau de ceux de Léonard.

Si l’on s’en tient à celui du doge Lorédan (National Gallery), le seul qui soit parvenu jusqu’à nous, ce jugement n’avait rien d’exagéré. Ici encore, comme devant le Mahomet de Gentile, on songe involontairement aux maîtres flamands ; c’est le même fini d’exécution, la même pénétration psychologique.

Dans le Baptême du Christ (1500-1502), exécuté pour l’église Santa Corona de Vicence, on découvre plusieurs traits caractéristiques de cette dernière phase de l’activité de Giovanni : les gradations des nuances de l’avant-plan, une certaine affectation dans les draperies des anges, et l’influence manifeste du Baptême que Cima peignit, quelques années plus tôt, pour l’église de San Giovanni in Bragora, à Venise. Seul, le paysage, un horizon de hautes montagnes dénudées, est digne de la main du maître. Nous le retrouvons dans la Sainte Conversation de San Francesco della Vigna (1507) et dans le retable de Saint-Jean-Chrysostome (1510). L’amour de la nature avait soutenu les premiers essais de l’artiste : il devait ennoblir aussi ses dernière œuvres, et contribuer à masquer leurs faiblesses. C’est encore lui qui anime de mille détails pittoresques sa dernière Madone isolée (Milan, Brera, 1510), dont le type populaire contraste avec le modèle des Frari[1].

  1. Quant à la Bacchanale, actuellement au château d’Alnwick, exécutée en 1514 pour Alphonse d’Este, son authenticité peut être mise en doute pour les raisons psychologiques émises plus haut et pour des raisons techniques, qui y font reconnaître la main du pseudo-Basaiti.