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LES BELLINI.

comme l’avenir. Il semble que tout y aboutisse et que l’on ne puisse parvenir à rien qu’à les imiter.

Voilà bien le secret de leur influence. La statuaire grecque a absorbé toute la sculpture antique, et il n’est peut-être pas un peintre moderne, de Rubens à Poussin et de Claude à Turner, qui ait pu se soustraire à l’influence absorbante de Venise.

Cette beauté n’est pas absolue, cette perfection n’est pas sans limites.

Venise apparaît comme le seul centre important du nord de l’Italie qui n’ait pas été entraîné par le courant mystique de l’art giottesque du xive siècle et qui soit resté réfractaire à l’humanisme aristocratique du xv c siècle. Elle ne connaît ni la suavité de l’Angelico, ni l’austère énergie de Donatello et de Masaccio. Et pourtant c’est à ses portes, à une journée de marche de la lagune, que Giotto décora de ses fresques immortelles l’humble chapelle de l’Arena de Padoue. Et pourtant c’est tout autour d’elle, à Rimini avec les Malatesta, à Ferrare avec les Este, à Padoue, la ville universitaire, à Mantoue, à la cour des Gonzague, que se développèrent les foyers les plus intenses de cette éducation classique, de ce culte des héros, de ce néo-paganisme qui devait s’exprimer avec tant de puissance dans l’art de Mantegna.

Non pas que la peinture vénitienne, et celle des Bellini en particulier, n’ait été fortement influencée par l’école de Padoue. Mais elle n’en retint que ce que son génie lui permettait d’assimiler. Elle accueillit avec empressement