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PAUL CLAUDEL

« Près d’un petit feu d’argols dans ce désert qui est entre l’Oural et l’Obi,

« Avec pour spectacle devant lui toute la courbure de la planète…

« … Tout son bagage est le nom de Jésus dans sa bouche, dans son sac un peu de vin et de farine,

« Dans sa main droite la croix, et la pierre de la messe sur sa poitrine.

« … Il va vers toute fumée humaine…

« … Les baptisés camards le regardent, bouche béante,

« Qui part, car il faut partir, quand il se retourne vers eux,

« Tout riant dans le soleil, avec des larmes plein les yeux ! »

Peut-on rendre avec plus d’intensité ses sensations que Claudel ne le fait :

« Le froid matin violet

« Glisse sur les plaines éloignées, teignant chaque ornière de sa magie.

« C’est l’heure où le voyageur, blotti dans sa voiture,

« Se réveille en regardant au dehors, tousse et soupire.

« … Le jour blafard éclaire la boue des chemins,

« Et sous les haies, les feuilles de choux et les fleurs

« Versent sur la terre jaune leur charge de pluie. »

Et quelle évocation puissante que cette « entrée de Josué dans la Terre-Promise :

« Après la longue montée, après les longues étapes dans la neige et dans la nuée,

« Il est comme un homme qui commence à des-