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LE BEAU RÉVEIL

avoines », le chœur des grenouilles semblable « à une lente ébullition de voyelles », les paupières closes des bonzes qui sont « des mèches de rides » ; — ou celles par lesquelles il concrétise des idées ou des sentiments ; par exemple : Sur la voie douloureuse, Marie rencontre son divin Fils, elle le regarde, et « son âme violemment va vers lui comme le cri du soldat qui meurt. » — et ailleurs : « Notre effort arrivé à une limite vaine, se défait lui-même comme un pli. » On n’en finirait pas, surtout, si l’on voulait citer les expressions d’une concision hardie, qui sont parfois d’une grande beauté : « On l’a tiré de son fourreau comme un glaive » (saint Barthélémy écorché vif.) — Saint Jean communiant « boit jusqu’au fond son ami, il boit son maître, il boit son Dieu. » Et ces beaux vers immenses, simples et profonds, « qui s’enfoncent dans la mémoire comme des clous d’or » :

… « Des prêtres qui nous donnent l’âme et le corps de Dieu à manger, et les leurs avec ! »

… « Plus de crime sans un Dieu dessus et plus de croix sans le Christ. »

… « Ce Dieu est assez pour moi qui tient entre quatre clous ! »

Avec des phrases simples, des mots familiers, il arrive à d’étonnants effets, et surtout à faire vivre des personnages, avec leur geste et leur attitude typiques et symboliques, et, derrière eux, comme un fond de tableau qui fait rêver, une pensée profonde :

« Simon… est l’Apôtre éternellement qui part et qu’on ne voit que de dos…

« … Il traverse le Tanaïs, et c’est lui qu’on voit tout seul qui est assis