Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
LE BEAU RÉVEIL

« Il est solidement attaché au travers des vérités éternelles.

« Jésus pend de tout son poids vers la terre ainsi qu’un fruit sur sa tige,

« Mais Pierre est crucifié sur une ancre au plus bas dans l’abîme et le vertige.

« Il regarde à rebours ce ciel dont il a les clefs, le royaume qui repose sur Céphas.

« Il voit Dieu, et le sang de ses pieds lui tombe goutte à goutte sur la face. »

Comme je l’ai dit plus haut, le don d’abstraction qui est un attribut de l’intelligence, s’allie merveilleusement chez Claudel au don d’intuition. Ses sens perçoivent le monde des couleurs, des lignes, des bruits, des sons, des parfums et des saveurs avec une acuité extraordinaire, ce qui dénote une nature admirablement douée et saine. Mais ce qui dépasse tous les exemples connus, c’est la maîtrise avec laquelle il rend, palpitantes de vie, ses sensations. Expression directe, neuve par conséquent et frappante ; images hardies, sans apprêts qui défigurent, servies toutes fraîches.

— Voici saint André qui jette le filet à la mer, et le retire plein de poissons :

« Soudain, comme un grand nuage de tous côtés, sur la paix rase de l’eau,

« Le filet, savamment replié à son bras, part, s’épand, s’épanouit,

« Tombe, file, fond, comme un aigle, à pic, et comme un orage de plomb,