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PAUL CLAUDEL

Et c’est là le don du symbole. Le fait individuel est, par ce regard pénétrant, perçu directement dans ce qu’il a d’essentiel et de général ; et si, — peintre d’une part, Claudel décrit toujours à l’aide de traits choisis qui campent son individu, distinct de tout autre, — philosophe d’autre part, il ne néglige jamais de dégager du concret le sens universel ou symbolique. Il ne voit pas les choses comme nous, c’est-à-dire qu’il les voit mieux, qu’il les pénètre davantage ; et il nous force à penser en regardant. « Nous revenons de chez lui bouleversés et méditants », a dit Georges Duhamel. Et lui-même écrit :

Dieu, faites que je sois un semeur de solitude
Et que celui qui entend ma parole
Rentre chez lui inquiet et lourd.

Le symbolisme de Claudel enrichit et féconde la pensée. Sous l’influence des décadents ses premiers maîtres, ce symbolisme se fait parfois nébuleux, mais d’autres fois, par exemple dans ses Hymnes sacrées, il est transparent.

Voici les symboles qu’il trouve dans la crucifixion de saint Pierre la tête en bas :

« Saint Pierre, le premier pape, est debout sur le Vatican,

« Et de ses mains enchaînées il bénit Rome et le monde dans le soleil couchant.

« Puis on l’a crucifié la tête en bas ; vers le ciel sont exaltés les pieds apostoliques.

« Christ est la tête, mais Pierre est la base et le mouvement de la religion catholique.

« Jésus a planté la croix en terre, mais Pierre l’enracine dans le ciel.