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PAUL CLAUDEL

à des anges et à des petites filles de quatorze ans,

« À dix heures, lorsque le jardin embaume et que tous les oiseaux chantent en français ! »

— D’autres fois, elle donne une saveur toute particulière aux traits pittoresques de petits tableaux comme celui-ci, qui se trouve dans son Chant de la Présentation :

« Je vois Marie sans forme ni visage sous son capuchon et son manteau tout trempé de laine grise,

« Tel à peu près qu’en portent aujourd’hui les Petites Sœurs des Pauvres et les Clarisses.

« Je vois le ciel noir avec à l’Est une seule raie couleur de citron,

« Je vois Joseph avec (le prix est dessus encore) les deux colombes dans une cage de jonc… »

— Parfois elle descend jusqu’à une bonhomie toute proche de la trivialité, mais qui est drôle, et dont on sourit sans oser formuler un reproche :

« Joseph, avec l’humble Marie sur le petit âne, s’en va de porte en porte.

« L’aubergiste… refoule avec sa serviette sur le perron et sous la branche de sapin

« Saint Joseph qui n’a pas son auréole sur la tête, mais une vieille casquette en peau de lapin… »

— Cette simplicité rappelle quelquefois, par la gaucherie et l’anachronisme (évidemment conscients et volontaires) les procédés de ces ravissants Primitifs flamands, qui confondent si savoureusement les temps et les lieux, et qui, jusque dans les tableaux religieux de la plus haute signification, glissent des détails du plus charmant réalisme quotidien. Ces traits d’une familiarité ou d’une bonhomie un peu poussée semblent parfois de mauvais goût. Mais qu’on ne s’y méprenne