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PAUL CLAUDEL

c’est la force. Un cerveau extraordinairement puissant, une imagination féconde, une sensibilité suraiguë, une volonté qui dirige et utilise tous les apports de ses facultés d’ailleurs admirablement équilibrées, s’affirment dans chaque phrase qu’il profère.

Des mots lourds de sens, des métaphores taillées toutes vives dans le réel, peu d’épithètes et peu d’auxiliaires ; mais des substantifs et des verbes actifs — les substances et les activités — tout cela bondissant comme des flots trop pressés dans le torrent véhément de son éloquence puissante et large. Et cette force, cette verve, ce mouvement de tempête se soutiennent ; sans faiblir en des poèmes d’une extraordinaire longueur d’haleine. On pourrait citer, à l’appui, son beau poème de guerre : « Tant que vous voudrez, mon général ! » où la satire véhémente atteint et dépasse les hauteurs de la grande Ode.

D’ailleurs, dans l’ironie, brutale ou nuancée, Claudel est un maître. Il y touche aisément au sublime. D’autres fois, il cache une ironie presque cruelle sous la gravité comique du pince-sans-rire, et l’on devine que, derrière ses grandes lunettes, ses yeux clairs pétillent de malice :

« Le mystère premier, c’est la proposition aux Rois qui sont en même temps les Sages.

« Car, pour les pauvres, c’est trop simple, et nous voyons qu’autour de la crèche, le paysage tout d’abord avec force moutons ne comporte que des bonnes femmes et des bergers,

« Qui d’une voix confessent le Sauveur sans aucune espèce de difficulté.

« Ils sont si pauvres, que cela change à peine le bon Dieu,