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PAUL CLAUDEL

sitôt désavouer les lois d’une perspective estimée jusqu’alors judicieuse. Pour ne pas dire que Claudel n’est pas à notre mesure, je dirai qu’il n’est à la mesure d’aucun autre. » Mais ses derniers drames, l’Otage, l’Annonce faite à Marie, le Pain Dur, sont plus humains et plus réalistes ; la forme s’est clarifiée ; l’action s’est animée et condensée ; la psychologie est plus fouillée ; les singularités de tout genre ont disparu, ou à peu près.

Pourtant, même dans ses drames, Claudel est avant tout et essentiellement un lyrique.

On chercherait en vain dans la littérature française un génie lyrique de sa trempe ; les plus impétueux sont encore faibles à côté de lui. Aucun n’a sa verve et sa longueur d’haleine, pas même Hugo et Verhaeren, chez qui les sentiments violents semblaient atteindre parfois au paroxysme et battre le record de la durée.

Doué d’un tempérament impétueux et d’une imagination colossale, il s’élève d’un puissant coup d’aile et plane très haut, parmi l’azur et le soleil, — et, il faut l’avouer, souvent aussi dans une ombre impénétrable, mais brusquement éclairée de temps en temps par un éblouissant éclair. C’est à Pindare et aux grands prophètes hébreux qu’il fait songer. Comme on est loin, ici, de ces poètes français, si peu lyriques après tout, qui vont de Malherbe aux Préromantiques, et chez qui tout, même le désordre, est un effet de l’art. Chez Claudel, nous assistons à ce qu’il a appelé lui-même « la déflagration de l’Ode soudaine ».

Dans l’Ode intitulée « les Muses » il y a cinq versets magnifiques qui résument les lois de son lyrisme :

« Ô mon âme, il ne faut concerter aucun plan ! Ô