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LE BEAU RÉVEIL

coup », s’écrie-t-il dans son Magnificat. Dieu est quelqu’un, présent et agissant, — établissant dans l’intimité de l’âme en état de grâce sa demeure. « En un instant mon cœur fut touché et je crus — écrit Claudel dans le bref récit de sa conversion. — Dieu existe, il est là. C’est quelqu’un, c’est un Être aussi personnel que moi. »

Claudel est le chantre de la présence de Dieu. « En dehors des ascètes et des mystiques, dit le P. de Tonquédec, peu d’écrivains que je sache se sont laissé voir plus pénétrés que Claudel du sentiment de Dieu, et plus abîmés en lui. »

Tout son être, toute son œuvre tend vers Dieu comme la fleur vers le soleil et le fer vers l’aimant. On peut répéter au sujet de son œuvre ce qu’Ernest Hello écrivait de la Bible : « Elle parle de tout, et toujours de la même chose. L’unité de préoccupation resplendit dans cette variété d’objets. La présence de Dieu est le sous-entendu qui éclaire de sa lueur terrible les objets les plus insignifiants. »

C’est en mystique que Claudel étudie le monde des âmes et le monde des choses. Pour lui, « être » c’est rendre témoignage, c’est louer l’Être dont on tient l’essence et l’existence. Les choses, par le fait qu’elles existent, sont en « état de prière ». Quant à l’homme doué d’entendement, il doit traduire leurs inconscientes louanges. Il doit dégager de la création matérielle le sens spirituel qu’elle a réellement. « Nous ne comprenons les choses, dit-il, que si nous nous mettons avec elles dans un même état de prière. »

La création apparaît à Claudel comme une « vaste liturgie », dont tous les gestes sont sacrés et semblables