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PAUL CLAUDEL

a les épaules hautes, la tête solide, la figure ronde, le front très large, les traits simples, les yeux clairs et enfoncés, la moustache rude, les façons vives, la voix brève — voix de commandement mystique, dit Léon Daudet, — une extrême simplicité et une parfaite bonhomie. Nulle pose. C’est un brave homme sans façon et un peu primitif.

La robustesse de son physique se retrouve dans son œuvre et dans son style. Eux aussi ont une forte carrure, et pour ainsi parler, du poing et du biceps. La grâce en son œuvre est passagère ; la force, l’abondance, la solidité y sont permanentes et essentielles.

Étudions d’un peu plus près cette œuvre imposante.

Paul Claudel est, par-dessus tout, un poète religieux. Nourri de la Bible, de la liturgie, de la philosophie et de la théologie catholiques, il a une vision vraiment chrétienne du monde ; « il aperçoit la création entière enveloppée par une atmosphère infinie, imprégnée et imbibée de surnaturel, envahie par la présence et l’action de Dieu. » Il ne voit pas le mouvement universel sans le premier Moteur, les êtres contingents sans l’Être nécessaire, les conséquences et les lois sans la Cause première et le Suprême Législateur. Au sein des apparences il sait la substance à laquelle elles inhèrent, et à l’origine des essences Celui par qui elles sont. Constamment en contemplation devant le monde créé, il y découvre Dieu présent partout par son opération, sa puissance et son essence. Et ce n’est pas une vague déité qu’il adore, mais le Dieu personnel, « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » qu’invoqua Pascal dans la « Nuit de feu », le Dieu Un et Trine de l’Église catholique. « Et voici que Vous êtes quelqu’un, tout à