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PAUL CLAUDEL

de Noël 1886, il se rendit à l’église Notre-Dame pour y assister aux offices… Oh ! en dilettante seulement ! Poète âgé de dix-huit ans, il espérait y trouver « la matière de quelques exercices décadents. » Mais la grâce l’attendait là, comme elle avait attendu un autre Paul, son patron, sur la route de Damas. « C’est alors, dit-il, que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, de l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable. En essayant de reconstituer les minutes qui suivirent cet instant extraordinaire, je retrouve les éléments suivants qui cependant ne formaient qu’un seul éclair, une seule arme dont la Providence divine se servait pour atteindre et s’ouvrir enfin le cœur d’un pauvre enfant désespéré : « Que les gens qui croient sont heureux ! — Si c’était vrai, pourtant ?… — C’est vrai ! — Dieu existeIl est là. C’est quelqu’un, — c’est un être aussi personnel que moi ! — Il m’aime, il m’appelle ! » Les larmes et les sanglots étaient venus, et le chant si tendre de l’Adeste ajoutait encore à mon émotion. »

Pourtant Claudel ne se rendit pas encore à la grâce. Il résista pendant quatre ans. Il craignait surtout que son talent fût étouffé par la foi. Et puis, il y avait le repect humain… Mais il ne négligea point l’étude de la religion. Il lut la Bible, les Pensées de Pascal, les