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PAUL CLAUDEL

vent qu’ils ne se complètent, que faut-il conclure ? Serait-ce que Claudel doit sa gloire à la bruyante réclame de ses acolytes, admirateurs « dont on peut discuter la justesse d’esprit » ? Ou bien est-il vraiment un grand poète, l’égal d’Eschyle et de Dante, mais incompris de la foule à cause de sa grandeur même ?

Il faut se garder également d’une admiration aveugle et d’un mépris trop prompt[1].

Paul Claudel est un auteur « difficile », et « son œuvre est moins lue que son nom n’est célèbre. Elle passe pour absconse et n’est goûtée véritablement que dans quelques milieux littéraires distingués, mais assez restreints »[2].

Comme tous les auteurs difficiles, il doit se résigner à ignorer toujours les grands succès et se contenter du culte d’un petit nombre.

Quant à nous, efforçons-nous d’être équitables et impartiaux. Si je lui consacre cette étude, ce n’est point pour le ranger parmi les auteurs classiques, comme d’aucuns prétendent le faire[3]. Je désire tout

  1. Nul ne s’en est mieux gardé que le P. de Tonquédec dans son étude sur Paul Claudel (L’Œuvre de P. Claudel. — Beauchesne, éditeur, 1917), que Fortunat Strowski appelle « magistrale », et Pierre Lasserre « la seule étude raisonnable qui ait été jusqu’ici écrite sur ce poète. »
  2. P. Lasserre. Les Chapelles Littéraires. — Léon Bocquet « doute qu’il dépasse un jour cette notoriété de cénaculets ». J’estime qu’il la dépasse déjà. En tout cas, il a connu d’autres triomphes que « l’applaudissement des snobs ».
  3. Ni pour engager les jeunes gens de nos collèges à le lire ; il ne leur convient pas à plus d’un titre, et d’abord parce qu’il manque souvent de clarté, de mesure et de goût. Ils pourront trouver de beaux fragments de son œuvre dans l’  « Anthologie de la poésie catholique », par R. Vallery-Radot (Crès, 1916), et dans les « Morceaux choi-