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LE BEAU RÉVEIL



Il planait sur le pays une étrange torpeur ; … un sommeil semblable à une léthargie que dénouerait la mort. Des magiciens à l’étrange sourire contemplaient le résultat de leurs philtres et de leurs poisons. Çà et là, des voix s’élevaient encore, — paroles incohérentes de somnambules, plaintes de chloroformés, râles d’agonisants. Le ciel était livide, inquiétant, gros d’orage. Par intervalles, un éclair luisait.

… Mais il y avait des maisons dont les volets clos laissaient filtrer une douce lumière : on y travaillait. Et des églises aux vitraux éclairés : on y priait…

Et voilà que, brusquement, un carillon sonna matines. Des voix montèrent, pures ; on eût dit qu’elles chantaient des hymnes.

La vie revenait. Il y eut des réveils. On voyait s’évanouir le sourire des magiciens, puis leur figure.

À l’orient, une blancheur grandissait, une blancheur d’hostie… De clocher en clocher, les cloches maintenant se répondaient…

Et voici qu’à ces voix-là, celle des clairons joignit son appel. En sursaut ou lentement, des hommes se dressèrent, qu’on croyait morts.