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LE BEAU RÉVEIL

que dans la poésie n’est donc pas un fait d’ordre littéraire. C’est la résultante logique du changement profond, de la révolution qui s’opère dans l’âme de l’élite, éprise d’absolu, — changement qui, nécessairement, agit sur la vie intime et sur l’expression de cette vie qu’est l’œuvre d’art.

Les ouvriers de la restauration spirituelle se multiplient. Ils comprennent, eux, où est la vraie Vie, et de quelle eau notre siècle épuisé a soif. Ils savent que « c’est de certitude que le monde a besoin, et de réalisme spirituel, c’est de savoir quel est le vrai visage de l’Être. Le monde est las d’abstractions et de formules. Il ne s’agit pas d’ « idéal », de « progrès », de « civilisation », de « facteurs moraux », d’ « intérêt national[1], » il s’agit de redonner honneur, puissance et gloire à Celui qu’on a trahi et méconnu, — et qui est la Vie[2] ! »

Quand on atteint un sommet des Alpes ou des Pyrénées, on éprouve une sorte d’ivresse à aspirer à pleins poumons le souffle vivifiant des altitudes, à se sentir comme libéré et purifié, dans le grand vent et l’éblouissement du soleil.

Cette divine émotion nous ressaisit chaque fois que nos poètes catholiques nous guident vers les cimes d’où l’on contemple l’absolu.

Et cela nous console un peu du succès persistant d’une autre littérature, — vénéneuse, celle-là, — qui continue, en bas, à vicier l’air où, hélas, tant d’âmes s’étiolent et meurent…

  1. Belles formules après tout, mais dont on jongle souvent après les avoir vidées de leur vrai sens.
  2. R. Vallery-Radot : L’Heure du Verbe.