Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
LA POÉSIE CATHOLIQUE D’AUJOURD’HUI

la Nativité. — Le détachement et l’humilité sont à la racine de notre joie, sont la mesure de notre joie. Le Poverello d’Assise fut appelé le virtuose de la joie[1], l’homme le plus heureux qui ait jamais habité la terre[2]. Il donnait aux frères mineurs, ses disciples, le doux nom de « Jaculatores Domini, les joyeux musiciens du Seigneur. » Et « si les frères mineurs étaient si joyeux, dit Jörgensen, c’est parce qu’ils avaient tout abandonné pour Dieu. » On a constaté de même que la joie fleurit dans les familles foncièrement pieuses, et chez les peuples qui ont gardé intactes les mœurs chrétiennes. Par contre, époque d’égoïsme, de jouissances frénétiques et d’impie orgueil, le xixe siècle a souffert d’un formidable déficit de joie. Voyez sa littérature : elle est inondée de tristesse, depuis le « vague-à-l’âme » de Chateaubriand, la mélancolie de Lamartine, le pessimisme altier de Vigny, les sanglots de Musset, jusqu’au froid désespoir de Leconte de Lisle et aux imprécations de Mme Ackerman. À bien des poèmes du xixe siècle nous pouvons appliquer le mot de Gœthe : c’est de la poésie de lazaret !

Ce sont encore nos poètes catholiques qui nous ont révélé la joie. Et bien que la tristesse ne soit pas absente de leurs œuvres, pas plus que la souffrance n’est absente de la vie, un calme léger pourtant les pénètre, et souvent la joie y éclate, tantôt naïve et confiante, tantôt profonde et enivrée comme une extase.

Écoutez Louis Le Cardonnel, le prêtre-poète :


« Sourions à l’espoir de notre récompense,
Et qu’à nos fronts rayonne une telle clarté,

  1. Mgr de Keppler.
  2. Julius Hart, (protestant).