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LE BEAU RÉVEIL

La vertu de pauvreté, — « dame Pauvreté » comme disait François d’Assise qui l’appelait sa « fiancée » — rentre, elle aussi, dans la poésie. Le Pauvre occupe une place importante dans l’épopée rustique de Jammes, et c’est sous les traits d’un mendiant qu’un ange apparaît, par deux fois, dans l’histoire poétique du Curé d’Ozeron. Germain Nouveau, qui s’est fait mendiant par amour du Christ, célèbre en des vers d’un brûlant lyrisme le saint le plus miséreux qui fut jamais : Benoît-Joseph Labre[1].

    Il ignorait l’orgueil, l’envie, l’ambition, l’artifice. Il nous apportait au milieu de Paris le silence de notre pays natal, et le voir nous faisait oublier les fièvres et les bruits de la cité pécheresse. Quand il entrait parmi nous, nous éprouvions comme la forte caresse d’un air salubre. Il se taisait, et sa présence dominait toutes nos paroles, une présence puissante et douce, sans cesse attentive aux oracles de la nature. On songeait à un Maurice de Guérin que le Pauvre d’Assise aurait pacifié. Son chant était sa vie ; sa vie était son chant. En lui le poète fut aussi pur que l’ami, qui était parfait.
    (R. Vallery-Radot. L’offrande des Lettres Françaises).

  1. « Il a été utile, Seigneur, écrit F. Jammes, pour que je vous suivisse, que vous m’ayez montré combien votre foyer est plus obscur encore et plus modeste que n’était le nôtre. Non, vraiment, je n’ai pas la conception juive du règne de Dieu, et si l’on m’eût présenté, pour me convaincre, la vision béatifique de l’Élysée à la place de celle de la crèche, où en serais-je de mon salut ? À toutes les aigles impériales je préfère un chardonneret qui s’élève de branche en branche en décrivant une spire. »
    (De l’âge divin à l’âge ingrat).
    Il est certain que F. Jammes eut toujours comme un goût inné de la simplicité, d’une espèce d’humilité naturelle, si l’on peut dire, et le don de comprendre la poésie de la pauvreté : les vers d’avant sa conversion en font foi. Mais, sans l’Évangile, fût-il jamais parvenu à saisir le sens réel et divin de la vertu de pauvreté ?