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LE BEAU RÉVEIL

avait été tentée non sans succès par Sainte-Beuve, par Brizeux, par Lamartine dans Jocelyn ; par François Coppée surtout. Mais ce que les catholiques apportent de neuf dans le genre, c’est le rayon d’en haut dont ils éclairent la vie apparemment banale, c’est la lumière intérieure qui fait de la maison un sanctuaire et de tous les gestes quotidiens sanctifiés une manière de rite liturgique d’une profonde beauté. Le réalisme avait rivé son observation myope aux banalités de la vie, et les avait décrites d’une plume ironique ou cruelle ; pour nos catholiques au contraire rien de ce que Dieu donne ou ordonne n’est méprisable, et ils en parlent avec une chaude sympathie. Un dramaturge avait découvert le « tragique quotidien » ; eux retrouvent le surnaturel quotidien et le divin de tous les jours. Ils savaient la sainteté de la pierre d’autel — ils retrouvent le sens « de la pierre du seuil, et de la pierre du foyer. »

Savourez, je vous prie, ces vers d’André Lafon, d’un accent et d’un sens si neuf dans notre poésie trop volontiers grandiloquente :


Le jardin rafraîchi tremble à l’aube première
Et se reprend à vivre au sortir de la nuit ;
Voici que, pas à pas, la paisible lumière
Vient, touche chaque chose, et charitable, luit
Sur le toit, sur le mur incliné, la barrière,
L’herbe humide et la chaîne lourde du vieux puits.
La demeure va s’éveiller, active et grave ;
Et l’étable s’ouvrir obscure sur le pré :
La vache, dès le seuil, acceptera l’entrave,
Chacun retrouvera l’ouvrage commencé.
La vie est, ô mon Dieu, simple, facile, unie,
Au cœur de bon vouloir qui sait ce qu’elle vaut ;