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LA POÉSIE CATHOLIQUE D’AUJOURD’HUI

Et toute l’œuvre de Jammes, d’André Lafon, de Thomas Braun, ne fait que chanter


« la beauté que Dieu donne à la vie ordiniaire ».

(F. J.)

En vivant leur foi, ils ont senti, selon l’expression de G.-K. Chesterton, « toute la ferveur de ce plaisir dont se privent les orgueilleux, le plaisir qui vient de l’humilité. »

« Ils ne méprisent pas les plus humbles détails. » Cette loi de leur Art poétique n’est pas, il faut l’avouer, entièrement neuve. Le réalisme moderne avait introduit, avant eux, un sentiment plus affiné du réel, l’exactitude dans les détails, le mépris de toute afféterie. Un incroyant, Maurice Maeterlinck, par ailleurs, avait, dans quelques pièces de théâtre, rendu de façon saisissante le tragique quotidien. Les peintres, à leur tour, s’ingénient à rendre, non plus le grandiose et l’opulent, — mais le charme des simples paysages ignorés du touriste, la poésie discrète des intérieurs modestes où s’écoulent les vies cachées : cuisines de ferme, coins d’église pleins d’ombre, béguinages. L’architecture même s’applique à enjoliver, selon les lois d’un art sobre, les demeures d’ouvriers[1] et les églises de campagne. Tout cela prouve que la réalité quotidienne n’est plus dédaignée, puisqu’elle devient sujet d’art. Nous savons d’autre part que la poésie familière

  1. En Angleterre et en Allemagne, de grands architectes ont réalisé dans ce sens des merveilles. Et un jeune artiste belge, Flor. Van Reeth, crée à Lierre une garden-city de maisons ouvrières, très simples et très jolies, qui sera un riant béguinage moderne, plein de poésie, de lumière et de fleurs.