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LE BEAU RÉVEIL

Se pourrait-il d’ailleurs que des mystiques, dont toute la vie est eucharistique, ne versent pas sur les choses extérieures la lumière qu’ils portent en eux ? « Ils mêlent, fusionnent en une douce harmonie le dedans et le dehors. » C’est leur état d’âme habituel. Point de procédé littéraire donc, mais la vérité, sentie et rendue, dans ces vers de Pierre Nothomb :

… Le jour est plus adorable,

Et je comprends mieux la beauté du jour,
Depuis que j’ai pris ce Pain délectable.

Dans ce paysage où je vis toujours,
Je vois maintenant de nouvelles choses :
D’où vient ce parfum d’invisibles roses ?

Le ciel est plus bleu qu’aux matins jadis,
Le ciel est plus bleu qu’un rêve de sainte,
Ou qu’un chant d’amour dans le Paradis !

Ce jardin nouveau, ces champs que j’aimais,
On dirait vraiment que leur cœur rustique
A communié dans ce jour mystique :

Toute la campagne est eucharistique !

Il est évident que ces poètes ne chercheront plus leurs symboles et leurs images dans la mythologie. Déjà Chateaubriand avait montré la supériorité en poésie du génie chrétien sur l’inspiration païenne. Voici maintenant — et c’est tout un rafraîchissement — l’intervention, non plus des dieux, des nymphes, des satyres, mais du Dieu unique et de ses Anges, comme aux temps bibliques. C’est le merveilleux chrétien. Dans ses Géorgiques, Jammes remplace les