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LE BEAU RÉVEIL

nouvelle de l’éternel amour. Et avec une joyeuse gratitude nos poètes nous crient, comme cette mère d’un roman de Jammes à sa petite fille : « Regarde ! Regarde ce qu’a fait le bon Dieu ! Envoie-lui un baiser »[1] ! Ils chantent la noblesse que confère aux créatures leur inconsciente coopération aux plus sublimes actes de la religion. Le blé croît pour l’Hostie, la vigne pour le Sang de Dieu. « La splendeur des choses extérieures se meut autour de l’Hostie » écrit Jammes. Et Charles Grolleau, qu’on a appelé le poète de l’Eucharistie :
« Songe au grain mûrissant et promis à la meule,
Qui, loin du sillon noir, sans souci de l’éteule,
Broyé, se livrera très pur au grand feu clair,
Pour devenir le Pain dont Jésus fait sa chair. »[2]

Les « Géorgiques Chrétiennes », qui sont le poème de la terre, sont en même temps, « presque continûment — par transparence — un poème sur l’Eucharistie »[3].

Somme toute, quand on regarde le monde extérieur avec les yeux de la Foi, qu’est-ce qu’on y rencontre qui n’ait une destination liturgique ou qui ne soit le

    de ne pas l’atteindre. Mais je continue de puiser le sens de cette beauté, comme l’humble graine qui, où qu’elle soit, recherche et distingue dans le sol ce qui sera son auréole et son parfum dans le ciel printanier. Je fais converger vers le centre de mon âme, à travers le monde entier, les visions nécessaires à ma vie éternelle. »

    (Francis Jammes. Feuilles dans le Vent.)

  1. Dans « Monsieur le Curé d’Ozeron ».
  2. Cfr. Paul Verlaine :
    Car sur la fleur des pains et sur la fleur des vins,
    Fruit de la force humaine en tous lieux répartie,
    Dieu moissonne, et vendange, et dispose à ses fins
    La Chair et le Sang pour le calice et l’hostie.
  3. Louis Gillet : Un Renouveau (dans « l’Éclair » ).