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LA POÉSIE CATHOLIQUE D’AUJOURD’HUI

depuis les plus élevés jusqu’aux plus humbles, jusqu’aux herbes des fossés, jusqu’aux pierres de la route. « Ô pierres, s’écrie F. Jammes, vous êtes belles comme les choses qui sont dans l’ombre ! » Et il avait écrit, avant sa conversion, ces mots attendris : « Il y a, dans le regard des bêtes, une lumière profonde et doucement triste qui m’inspire une telle sympathie que mon âme s’ouvre comme un hospice à toutes les douleurs animales. »

Je n’ai trouvé dans aucun classique, dans aucun romantique, une tendresse comparable à celle-là.

Nos poètes aiment tant la terre qu’il leur en coûterait beaucoup de ne plus la retrouver dans l’éternelle béatitude. Aussi acceptent-ils avec joie une hypothèse de la théologie catholique, suivant laquelle, après le dernier jour et la résurrection des corps, la terre sera renouvelée et revêtira une splendeur inconnue. Émile Baumann consacre à en évoquer la beauté un chapitre admirable de son livre sur la Fin des Temps, intitulé « La Paix du septième Jour ». Et dans « Trois Villes Saintes » il avait écrit : « Que seront vos cieux nouveaux et votre terre neuve, puisque celle-ci est déjà si belle qu’on a peine à s’en arracher ? Vous qui avez fait le vent et la mer, l’aurore et la nuit, laissez-moi pleurer d’avance ce monde où vous êtes descendu, la douceur des feuilles vertes, le bœuf et l’âne de votre crèche, les enfants qui sautent sur les genoux des aïeules, les toits où nous sommes nés ! »

À chaque heure, la nature offre, à qui sait y lire, un nouveau reflet de la Beauté absolue[1], une preuve

  1. « Je souffre aussi, mon Dieu, d’avoir entrevu la beauté d’en Haut dans celle que j’ai connue sur la terre et