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LA POÉSIE CATHOLIQUE D’AUJOURD’HUI

sans les confronter avec l’Homme-Dieu. « Depuis que l’Homme-Dieu est mort en croix, dit l’un d’eux, c’est sur cette croix qu’il faut regarder pour avoir la pleine science de l’homme, du héros. Depuis l’oblation du Calvaire, le grand artiste, le grand lettré ne peut être absolument païen. Ce serait redevenir barbare. La parole de Pilate : « Voici l’Homme » domine tous les siècles. Impossible à une intelligence moderne de pénétrer l’amour et la douleur, de connaître la grandeur infinie du sacrifice, si la Passion du Christ n’illustre pas son ciel métaphysique, si, comme le centurion, nous ne nous écrions pas : « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu[1]. » Aussi bien Émile Baumann écrit-il à propos de ses romans qui comptent parmi les plus vigoureux de la littérature française : « Je ne puis envisager les hommes que sous la clarté des deux faits auxquels se ramènent tous les autres : la chute et la rédemption. »

Telle est bien, n’est-ce pas, la vision catholique.

Faut-il montrer qu’un art basé sur une telle doctrine exaltera avec ferveur le prix infini de l’âme, la douceur ou la sublimité des vertus, « l’inénarrable splendeur de la virginité » ? C’est d’un regard purifié qu’il voit la beauté sensible de l’homme qui ne consiste plus uniquement, comme pour les païens, dans le galbe et dans l’attitude, mais surtout dans cette expression sereine et noble que donne aux traits une âme vierge informée par la grâce. « La chair a un prix infini ; elle est une créature de Dieu, le temple de l’Esprit-Saint. La chair a été revêtue par le Verbe lui-même, la chair est la chrysalide où notre âme

  1. R. Vallery-Radot. L’Héroïsme en Littérature.