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LA LITTÉRATURE ET LA GUERRE

revanche ; Barrès revenait de l’égotisme au culte exalté de la terre et des morts. Et bientôt sonna de tous côtés le réveil du nationalisme français. Séparés parfois sur le terrain politique, unis dans un même amour de la patrie, des groupements se mirent à la besogne : la Ligue des Patriotes, avec Paul Déroulède ; les Marches de l’Est avec Georges Ducrocq ; les démocrates chrétiens du « Sillon » avec Marc Sangnier ; les royalistes de l’Action française avec Henri Vaugeois, Charles Maurras et Léon Daudet. Et voyez les évolutions surprenantes : un dreyfusard converti, Charles Péguy, se met à défendre le pays et son rempart : l’armée, avec une volonté si passionnée, qu’il mérita le nom de « marseillaise vivante » que lui décerna un jour, dans une brillante causerie, Mgr Touchet. Et le petit-fils même de cet apostat germanisé qui eut nom Renan, l’admirable Ernest Psichari, lance « l’Appel des Armes », livre d’un patriotisme belliqueux, dont il allait bientôt sceller la doctrine en versant son sang.

Lorsqu’enfin, après quelques petites alertes qui avaient alarmé les veilleurs de la Cité, l’Allemagne déclara la guerre, il y eut une telle communion des âmes dans l’amour de la patrie, une telle unanimité d’élan, qu’on criait au miracle. De miracle, il n’y en avait point : le geste unanime d’août 1914 ne fit qu’extérioriser et généraliser la pensée qui obsédait déjà les meilleurs. La guerre l’a fortifiée, Péguy avait dit : « Le soldat mesure la quantité de terre où un peuple ne meurt pas ». Et il avait lancé des strophes superbes et prophétiques :


« Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,