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LA LITTÉRATURE ET LA GUERRE

point compris la leçon, s’enfoncent dans leur nuit toujours plus épaisse. Deux résultats sont tangibles : dans la masse, un besoin effréné de jouissances matérielles, un renforcement d’égoïsme féroce ; dans ceux qui pensent, un dégoût de la piperie des phrases et des systèmes, un goût de réalisme vrai et de sincérité.

De là, sur la littérature, une double répercussion : d’une part, vraisemblablement — et c’est dommage — une recrudescence de la littérature de plaisirs : roman romanesque, d’aventure, exotique, etc. ; d’autre part, certainement, — et c’est heureux — une renaissance classique, c’est-à-dire d’un art basé sur et soutenu par l’équilibre des facultés, la mesure, la sobriété, en un mot : la raison. Ce retour d’ordre se poursuit avec une volonté, une clairvoyance et une cohésion qui promettent le succès le plus heureux ; et c’est lui, espérons-le, qui sera le triomphe de demain.

Confessons-le avec franchise : le vieil homme vit encore : c’est le naturalisme, pessimiste et sombre et laid ; c’est le lyrisme de l’inconscient, cet « ersatz de la mystique » ; c’est le romantisme nébuleux — tous les vieux ferments de décadence, dont ne s’est encore complètement purgée qu’une élite, d’ailleurs déjà nombreuse, et plus nombreuse de jour en jour.

Mais toutes ces vieilles erreurs, comme toutes les folies récentes, tout ce qui fit le malheur ou la honte ou le ridicule de la France, n’endiguera point le triple mouvement qui se dessine, imposant et rassurant. Les petits ruisseaux boueux et les petites mares croupissantes qui achèvent de tarir, ou dont le bouillonnement méphitique simule encore la vie, ne nous intéressent plus, dès que nous voyons couler, nappe