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LA LITTÉRATURE ET LA GUERRE

Est-ce aveuglement, est-ce routine, est-ce une esèce d’  « impénitence finale » littéraire ? Je ne sais ; mais aucune esthétique ne s’est avouée totalement vaincue par la guerre : le romantisme, le naturalisme, le symbolisme, voire le cubisme, ont survécu. J’ai assisté, sur le front belge, à cet étrange contraste. Tandis qu’avec une poignée de jeunes poètes et artistes catholiques, nous rêvions d’un art qui fût à la fois un Apostolat, l’apostolat du Bien par le Beau — conception que la guerre avait sinon créée, du moins fortifiée, — d’autres écrivains plus nombreux demeuraient obstinément dilettantes et amusaient encore leur esprit aux jeux compliqués et puérils d’un byzantinisme qu’on pouvait dire hors de saison.

Alors, direz-vous, c’était le statu quo ? Il faut s’entendre. En tout cas, n’attachons aucune importance à la plupart des bouquins qui ressassent les lieux communs toujours identiques d’héroïsme fanfaron et de patriotisme sentimental que toute guerre essaie de rajeunir. La note nouvelle, vous la trouverez dans une poignée de livres bien pensés et bien écrits, discrets, pleins de gravité simple et de douleur contenue, tellement éloignés de toute pose et de toute emphase qu’on croit parfois y deviner comme un parti-pris de sincérité et de sobriété.

Les uns, par exemple L’Homme de Douleur, de Robert Vallery-Radot, ou Bourru, soldat de Vauquois, de Jean des Vignes Rouges, ont l’air de romans, mais sont la transcription la plus scrupuleuse de la pure réalité, on le sent aux résonnances profondes, qu’ils ont, d’autobiographies.

Les autres, tels les « Méditations dans la Tranchée » d’Antoine Redier, ou le « Sacrifice » de Massis, ou le