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LE BEAU RÉVEIL

champ de bataille, ceux-là, nous ne pouvons nier qu’un grand souffle anime les Poèmes de guerre de Paul Claudel, que son âge et ses devoirs diplomatiques tinrent éloigné du front et de la patrie. Retenons toutefois que les écrits les plus sincères — vers ou prose — ne disent pas la sublimité de l’acte héroïque — Dieu sait pourtant combien nous y croyions tous ! — mais la souffrance, toujours la souffrance, la multiple et uniforme et terrible souffrance qui, acceptée, faisait l’obscure et réelle grandeur du soldat.

Des poètes belges, la plupart se sont tus : ceux qui étaient dans la fournaise, parce que les impressions étaient trop intenses pour être rendues adéquatement par une parole humaine ; — ceux de l’arrière, par une légitime pudeur sans doute de sculpter des statuettes avec l’argile imbibée de sang de la Patrie mutilée. À peine peut-on signaler quelques recueils : — de Marcel Wyseur, dont la Flandre rouge et les Cloches de Flandre ne sont, en dépit de leur sincérité, que du petit Verhaeren mâtiné de Rodenbach ; — de Maurice Gauchez, dont les tapageuses Rafales et Ainsi chantait Thyl ne sont que les Flamandes ou les Ailes rouges développées et diluées par un barbare qui a du talent et surtout de l’audace. J’aime beaucoup mieux le Jardin sans soleil de Louis Boumal, que la grippe emportait le jour de l’armistice, et qui fût devenu un de nos meilleurs poètes. Dans ce recueil, la guerre n’est pas directement évoquée ; on n’y entend point ses coups de canon, mais les coups, bien plus poignants, qu’elle frappe dans un cœur délicat. Si les Rafales ont eu plus de succès que le Jardin sans soleil, c’est que le public gobe la réclame et préfère toujours la bruyante fanfare au lied pathétique d’un violon éploré.