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LA LITTÉRATURE ET LA GUERRE

roïsme, qu’il ne comprend guère ; et le soldat estime qu’il sait la Marseillaise ou la Brabançonne de mémoire, pour l’avoir vécue ; et après le sang, l’encre lui paraît laide. Plus tard, je pense, nous aimerons à relire les livres les plus sincères dans lesquels des écrivains-soldats évoquent leurs souffrances, qui furent les nôtres.

Dès 1917, la littérature tricolore, c’est-à-dire la littérature pseudo-patriotique, semble à peu près épuisée. Elle ne survit plus guère que dans les allocutions officielles et naturellement se développe jusqu’à la pléthore chez les journalistes de l’arrière.

Aussi bien n’est-ce pas cette littérature-là qu’il faut interroger : nous ne trouverions pas l’âme profonde du pays sous les nœuds et rubans aux couleurs des alliés de ses phrases ampoulées.

Fait digne de remarque : le lyrisme qui a fleuri aux tranchées — très, très sobrement, — tout en s’inspirant de la guerre et parfois de la Patrie, est rarement du lyrisme proprement patriotique. Ce genre ne s’est guère enrichi que d’un nombre incalculable de vers de mirliton. Le lyrisme patriotique monte en gerbes étoilées de salons bien confortables, et Dieu me pardonne, il n’a pas l’heur de me toucher beaucoup, même quand il coule de la plume de grands poètes ; — car avouons que les Ailes rouges de la Guerre ne sont pas exempts de rhétorique, ni surtout le Vol de la Marseillaise qui est d’un prestigieux artificier autant et plus que d’un poète dont l’âme saigne.

Ne soyons pas injustes cependant ; et si rien peut-être dans la poésie de guerre ne vaut certains âpres et magnifiques Hymnes de Joachim Gasquet, nés du