Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
LA LITTÉRATURE ET LA GUERRE

biographies de héros, se succédèrent. L’Académie en couronna. Toutes les écluses de l’inspiration s’ouvrirent. Ce fut le déluge. Le roman de guerre apparut. Feuilletonnistes comme Jules Mary, romanciers distingués comme Bourget, s’intéressèrent à la sanglante tragédie, en utilisèrent la scène ou les coulisses.

Nous avions des livres de guerre ; — plus même que nous n’en eussions souhaité !

Et dès ce moment, il était facile de faire certaines classifications simplistes : il y avait des livres de bons écrivains, mais qui étaient inférieurs parce qu’ils sentaient la hâte, soit que la main fût trop nerveuse en rédigeant, soit que l’impatience de saisir au bond la balle du succès eût fait bâcler le travail de composition ou de retouche ; — et d’autres émanant d’hommes qui étaient écrivains sans le savoir, livres où la gaucherie très apparente ne faisait que mettre davantage en valeur la sincérité, la note de vécu, la trouvaille de génie.

Une autre distinction se faisait d’elle-même : il y avait la littérature sincère — et celle des « bourreurs de crâne », l’une fleurissant surtout aux tranchées, l’autre dans les bureaux de l’arrière.

Pour cette dernière, les choses devaient se passer à peu près ainsi : Un monsieur, muni de passeports et de chaude flanelle, s’aventurait prudemment à trois ou quatre kilomètres des gourbis de première ligne, observait, crayonnait, interrogeait les poilus, goûtait à leur soupe, mangeait à longues dents un morceau de « singe » ou une cuillerée de « macanochi » réchauffé, trouvait tout cela éminemment pittoresque et, de retour à Paris ou au Hâvre, les pieds en de chaudes