Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226
LE BEAU RÉVEIL

ves de ses « Grandes Heures », et se rencontre avec Maurice Barrès qui prêchait depuis quelques années déjà le culte de la terre et des morts. Au contraire, deux humanitaristes, citoyens du monde, fervents admirateurs de l’Allemagne : Romain Rolland et Émile Verhaeren, ne se reconnaissent plus : Rolland, un Français, entend demeurer « Au-dessus de la Mêlée », et n’étant pas pour sa patrie, est fatalement contre elle ; Verhaeren, dès le premier jour, brûle ce qu’il a adoré, et proclame, dans ses « Ailes Rouges de la Guerre » le plus farouche, le plus exclusif, le plus ardent amour de la Patrie et de son Roi !

La guerre a servi tels talents, desservi tels autres ; si elle a tari l’inspiration ou du moins ralenti ou suspendu le travail de plusieurs, il en est d’autres qu’elle a révélés à eux-mêmes, ou révélés au monde.

Les premiers mois furent plutôt néfastes à la littérature. À part les journalistes, plus loquaces que jamais — qu’est-ce qui pourrait bien faire taire les journalistes ? — personne n’eut le courage de reprendre la plume que le coup de foudre du 1er août 1914 avait fait tomber des mains.

Bien des livres durent demeurer inachevés, peut-être pour jamais. Les jeunes écrivains avaient troqué la plume contre l’épée ; de bons vieux s’étaient faits infirmiers, ou venaient naïvement demander un fusil. — Et c’était, au moins, un « beau geste ».

Quel superbe exemple de bravoure ont donné les intellectuels ! — Alors que — comme le remarqua avec un grain de malice Robert Vallery-Radot — « bon nombre de redoutables sportsmen profitèrent