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LA LITTÉRATURE ET LA GUERRE

lui concède tout cela, mais je pense : 1o que si la guerre les a changés aussi profondément qu’il le dit, c’est parce qu’elle les a trouvés bien préparés déjà par d’autres causes, d’ordre intellectuel et moral ; 2o qu’il n’y a pas de génération spontanée et que la guerre a opéré très peu d’évolutions brusques ; 3o que ces « hommes nouveaux », attendus d’elle, ne peuvent pas du jour au lendemain renouveler la face de la terre.

Après ces préliminaires, utiles à la position nette du problème, essayons d’esquisser un rapide tableau de la littérature pendant la guerre, de montrer son esprit, ses tendances, la clarté qu’ont jetée sur les esthétiques en vogue les lueurs tragiques des événements, les directions parallèles ou convergentes des théories nées ou grandies durant la guerre, et enfin l’état actuel de la littérature et les promesses qu’il renferme.

La guerre a-t-elle changé les hommes ? Pas tous, assurément. « La terrible expérience semble n’avoir servi de rien pour les masses… ont-elles jamais rampé plus bas[1] ? »

Et les écrivains, ont-ils abandonné le sillon qu’ils étaient en train de tracer, pour en commencer un autre dans un sens différent ?

Le même fait a eu, sur des esprits en apparence égaux, des effets contraires, et sur des esprits en apparence divers, des effets égaux. Un exemple : Henri Lavedan, le frivole auteur de « Bon an Mal an » écrit, à la lueur de la grande Conflagration, les pages gra-

  1. Émile Baumann.