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LE BEAU RÉVEIL

nous avons vu fleurir aussi, — dans la plaie enfin ouverte de l’âme européenne, — de l’héroïsme et de la beauté.

… Il se pourrait bien qu’avec la grande guerre achève de mourir ce xixe siècle sorti de Kant et de Rousseau ; siècle d’anarchie intellectuelle et morale, qui n’aura pas impunément, hélas, précédé le siècle qui commence.

D’autre part, la grande réaction contre les idées qu’adora ce xixe siècle, réaction qui s’accentue chaque jour, ne date pas de 1914 ; mais les critiques les plus avertis nous la signalaient déjà il y a une belle vingtaine d’années.

Dans la littérature française donc, j’incline à croire que la guerre a commencé, historiquement, une ère qui, moralement, avait déjà commencé. Il faut d’ailleurs admettre des périodes de transition. Et les années que nous avons vécues sont une de ces périodes.

La guerre n’a fait que hâter l’éclosion ; je ne crois pas qu’elle l’ait provoquée ; et si elle a réellement semé, nous ne verrons mûrir ses moissons que dans cinq ou dix ans sans doute. Et dans ce sens-là nous pouvons dire avec Barrès que « l’activité, la force, sortiront des tranchées, et que l’élan vital, nous l’attendons du royaume de la mort ». Je lui concède qu’  « après toutes les grandes crises, une forme littéraire et artistique nouvelle a surgi », et que « les poètes, les romanciers, les philosophes qui nous reviennent de la guerre, ayant subi l’effroyable leçon de ces quatre années, ont été modifiés plus profondément que les générations précédentes ; qu’ils ont une autorité, un devoir, des droits et une charge que jamais écrivain, dans aucune littérature peut-être, n’avait possédés à ce degré. Je