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LA LITTÉRATURE ET LA GUERRE

constater l’importance quantitative de la littérature idéaliste ou matérialiste, patriotique, apatriotique, ou antipatriotique. Mais là n’est point l’intérêt du problème. Le problème, le voici : « Un monde nouveau, croit-on (peut-être un peu à la légère) est sorti (ou mieux : va sortir lentement) de la Grande Guerre. Dans le domaine de la littérature, quelles sont les modifications profondes qu’elle a opérées ?

Et vous voyez aussitôt qu’on ne peut pas, dès à présent, donner à cette question une réponse qui ait la prétention d’être absolument sûre et complète.

Cependant, quelques faits déjà — et c’est à savoir les plus marquants — sont parfaitement établis ; — ensuite, il n’est pas défendu d’avancer certaines hypothèses dûment étayées d’ailleurs de bonnes preuves ; — enfin, comme il y a une certaine constance dans les lois de l’histoire, il est permis de pronostiquer un tantinet, pourvu qu’on ne le fasse pas à la légère.

Et tout d’abord, croyez-vous que la guerre ait vraiment créé quelque bien ?

« La guerre est la mère de toutes choses » prononça déjà, il y a pas mal de siècles, Héraclite d’Éphèse ; — et von Bernhardi de le répéter — évidemment !

Mais cela me laisse bien incrédule, après ce que j’ai vu. Il serait plus exact de dire que la guerre n’a pas donné naissance à une nouvelle époque. Elle a hâté la mort de l’ancienne. Elle a été la crevaison de l’abcès qui suppurait depuis longtemps au cœur du monde. Hâtons-nous d’avouer que si, sous le monstrueux bistouri, a coulé le pus de bien des laideurs morales,