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LA LITTÉRATURE ET LA GUERRE

tinueront à gagner gros. Quant à l’Idée, elle sera morte, vous verrez, et l’Idéal sera bafoué. Les nouveaux riches seront les malins ; les héros et les penseurs, des imbéciles !… »

Le troisième jeune homme, absorbé d’abord dans une lecture, avait levé la tête, et écoutait, agacé.

Il se soulève sur sa litière : « Lisez ça, leur dit-il, et il leur tend le Sacrifice d’Henri Massis, dont il vient d’achever la lecture. Et d’abord, l’Idée ne mourra point, ni l’Idéal, ni la Foi. Une moisson drue et forte se relève après l’ouragan… Vous regardez uniquement les apparences. Sondez donc un peu les Âmes. Ce sont les âmes qui font l’avenir, bien plus que les armes ; et, quoiqu’on fasse pour le détrôner, c’est toujours l’Esprit qui gouverne.

Je ne me dissimule point les misères matérielles et morales qui pulluleront dans les ruines amoncelées. Mais le malheur est un bon terreau où germeront des énergies nouvelles. Il y a d’ailleurs de magnifiques réserves d’énergie toutes prêtes : Observez, je vous prie, ceux qui pensent et surtout ceux qui croient. Et vous ne désespérerez plus de demain ! »

Que de fois, pareille conversation doit avoir été reprise dans ces tombeaux où se préparait l’avenir !

Et voici qu’après quatre ans, nous essayons de résoudre le même problème, placés non plus devant nos espoirs et nos craintes, mais devant la menace ou la promesse réalisées.

Et, il faut bien le dire, le spectacle dans son ensemble n’est guère rassurant : ce monde nouveau dont on parle tant m’apparaît un peu comme une contrée ravagée par un tremblement de terre, et où des ma-