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LE BEAU RÉVEIL

nos plans et nos rêves. Plusieurs les ont jetés au panier, et sont retournés « sagement » au bourgeoisisme, si commode ! C’était à prévoir. En est-ce moins déplorable ?

… Heureusement, il y a des fidèles. Notre rêve est trop beau pour mourir. Et nous ne pouvons attendre que se soit éteint le feu de notre jeunesse.

Or, ce rêve, le voici. Le sacrifice, commencé d’une manière sanglante au front, doit se continuer d’une manière non sanglante. Ayant reconquis notre patrie matériellement, par les armes, nous devons la reconquérir moralement, par l’écrit, la parole, les œuvres. Il y a là, pour l’élite surtout, une rude tâche.

Le dilettantisme n’est plus de saison. L’égoïsme, la vie pour soi, le volontaire exil dans la tour d’ivoire sont une monstruosité à l’heure présente.

Il y a des milliers d’âmes à qui nous devons faire l’aumône ; il y a des milliers d’âmes qui meurent de faim.

La révolte couve, et nous savons, si elle éclate, quelles seront ses victimes. Ce n’est pas tout de faire la sourde oreille quand gronde l’orage encore lointain. Je tremble un peu pour ces gens très bien qui dansent le tango dans la salle des fêtes qui bientôt va les écraser en s’effondrant.

Il y a vraiment trop de violons. Ils couvrent la voix de l’orage. Ils chassent l’ennui, c’est vrai, et éloignent l’inquiétude. Mais la méthode est mauvaise ! Mieux vaudrait accueillir la bonne inquiétude, écouter ses raisons, suivre ses conseils.

Et ce qu’elle nous conseillerait précisément, ce serait de renoncer aux plaisirs effrénés de la vie frivole, pour les travaux sérieux d’une vie utile.