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LE DEVOIR DES JEUNES


Vous souvenez-vous, anciens camarades du front, de nos années de garde et d’attente, de nos souffrances physiques et de notre exaltation morale ? Nous avons fait, dans ces boues, les plus beaux rêves du monde. Je pense que nos âmes y ont grandi. Détachées implacablement du frivole et du factice, elles étaient devenues peu à peu amoureuses d’un grand idéal. Ayant appris le vrai sens de la vie, — les idées de dévouement, de sacrifice, d’apostolat leur étaient devenues chères et familières…

… Nous sommes revenus au pays. Nous y avons trouvé des frères qui partageaient nos rêves, et nous attendaient pour les réaliser. Mais aussi, installé dans son placide et niais orgueil, le bourgeoisisme… Je me souviendrai toute la vie de l’amertume de mon désenchantement.

Nous ressentîmes d’abord un mouvement de colère, et une furieuse envie de tout bousculer. On accueillait froidement nos projets : que diable venions-nous faire, nous les rêveurs, les idéalistes, au pays des gens pratiques ? « Ces soldats, voyez-vous, se croient appelés à réformer le monde ! » Je crois que pas mal de gens nous en voulaient un peu de n’avoir pas fait fortune !…

… Comme il est loin déjà, ce retour au pays !… Nous avons repris nos études ; pressés de regagner le temps perdu, nous avons dû reclasser dans les cartons