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LE BEAU RÉVEIL

seur d’énergie » , et jamais, depuis la « première » du Cid, il ne s’est trouvé tant d’hommes décidés à les mettre en pratique. Et c’est un tel chef qu’il nous faut : c’est cette voix-là que nous voulons qui nous commande. Car on ne réunira jamais assez de volontés fortes pour la grande œuvre de reconstruction morale qu’avec l’aide de Dieu notre génération veut entreprendre…

… Le jour déclinait, lorsque nous remontâmes vers la ville. Le couchant saignait entre les arbres. Des lueurs mauves s’apercevaient, au loin, parmi les cimes feuillues, immobiles. Un calme grave ouvrait ses ailes d’or, lentement, pour tout couvrir. La route s’allongeait, montante comme une vie noble, parmi la force tranquille des chênes.

Nous ne parlions guère, mais nos âmes se comprenaient, soulevées par le même grand rêve… Un de mes compagnons murmurait ce vers de Verhaeren, qui n’est qu’un écho des tirades cornéliennes :

« La Vie est à monter, et non pas à descendre ».

Jamais le Devoir ne nous était apparu plus beau, plus rayonnant de clartés divines. Comme le paysage dans l’or et la pourpre du soleil, notre âme baignait dans une atmosphère d’épopée, et il nous semblait entendre, au nord, au-delà des falaises normandes, — dans l’avenir, au-delà du repos forcé de ces mois de convalescence, — retentir, dans un poudroiement de lumière, l’appel des clairons héroïques.