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PARENTHÈSES

et de profiteurs, — âmes sales et pétries de boue, selon l’énergique expression de La Bruyère — à qui les exemples et les leçons du théâtre héroïque de Corneille semblent ridicules ; mais je suis convaincu que d’autres âmes, aussi nombreuses, entendraient avec joie le coup de clairon de ces superbes épopées de l’honneur, de la fidélité, de la foi. L’homme du peuple qui n’est pas avachi, comme le lettré qui n’est pas un simple amuseur, tous ceux qui ont gardé les fortes traditions chrétiennes et françaises, comprennent et goûtent la morale austère du Devoir malgré tout, que prêchent le vieil Horace et saint Polyeucte. Les héros cornéliens, — qu’on disait pris en dehors de la vie, et trop sublimes pour être réalisables — ne se sont-ils pas rencontrés, vivants, agissants, par centaines, pendant la Grande Guerre ? Que de pères ont retrouvé l’accent du vieux Romain pour dire à leurs fils qui s’en allaient vers les batailles :

 « Faites votre devoir et laissez faire aux dieux ! »


ou pour se consoler de leur mort héroïque :

 « La gloire de leur mort m’a payé de leur perte. »


Que de jeunes hommes ont traduit dans leurs lettres familières les grandes pensées qui guidaient la volonté des héros de Corneille :

 « À vaincre sans péril on triomphe sans gloire… »

 « J’ai fait ce que j’ai dû, je fais ce que je dois ! »


Et il me souvient d’un père qui, apprenant la trahison de son enfant, prononça, d’une voix tremblante de noble colère, l’immortel : « Qu’il mourût ! » sans se douter qu’il atteignait du coup les sommets du sublime !

Certes, Corneille est un poète d’aujourd’hui ! Les temps présents ont besoin des leçons de ce « profes-