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PARENTHÈSES

blime. Comme on choisit le lin le plus fin pour en tisser le corporal où reposera notre Dieu.

Nous ne dédaignons point l’art naïf des noîx sculptées au couteau par les bergers taciturnes, ou de ces fins navires gréés de fils de soie qu’un artiste campagnard a construits, les fées savent comment, dans la panse d’une bouteille ; — moins encore les délicates merveilles de la dentelle, de la broderie, de l’enluminure ; — moins encore le méticuleux travail qui donne au vers ce fini qui le rend impérissable. Nous aimons le beau travail, et nous ne trouvons pas indigne de l’artiste d’y employer tout son génie. Mais nous qui savons que « la figure de ce monde » passera, nous défendra-t-on de tendre plus haut et plus loin que les beautés contingentes, et de nous servir de l’Art comme d’une échelle d’or, pour relier la terre au Ciel, ce qui passe à ce qui demeure, la beauté fragile et changeante à la Beauté éternelle ?

Nous ne nous servons pas de l’Art comme d’un instrument de propagande, d’une réclame pour l’Évangile. Mais nous le rendons à sa vraie destination ; venu de Dieu, il doit retourner à Lui. C’est là son éminente dignité : rehausser en quelque sorte, pour les hommes, l’éclat des œuvres de Dieu.

L’art, pour nous, est sacré, — non toutefois comme le serait pour un païen une idole ou un fétiche ; mais comme le sont pour les chrétiens les vases sacrés : à cause de sa destination.

Si nous sommes de vrais artistes et de vrais chré-