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LE BEAU RÉVEIL

romans vénéneux, n’en veulent plus d’autres. Le palais habitué à l’excitation des épices, trouve insipides les mets délicats.

La décadence s’accentue. La guerre ne l’a point enrayée, au contraire. Et les exploiteurs de décadence sont légion. L’art y gagne-t-il ? Nous savons que non. Il est mal servi par ces brocanteurs littéraires. Hélas, beaucoup d’écrivains de talent sont au service de la Bête ; ils dépensent, à corrompre, tous les dons qu’ils devraient employer à épurer, à élever. Car le but de l’art est d’élever, — de procurer l’émotion esthétique, et non le plaisir sensuel qui la détruit.

« Les journaux, disait Barbey d’Aurevilly, sont les chemins de fer du mensonge ». Et les mauvais romans, du vice.

Voilà des vérités banales ? Pas assez banales pour qu’il ne soit opportun de les rappeler. Devant le mal qui croît, une simple constatation platonique ne suffit point. Qui diligitis, odite. Si nous aimons le bien, nous devons haïr le mal. Le haïr efficacement. C’est-à-dire le combattre. C’est même le vrai combat de nos temps, celui qui se livre autour des âmes. L’ennemi qui attaque dans ce domaine-là ébranle moins de quiétudes, fait jeter moins de cris d’alarme et sonner moins de tocsins. Et c’est dommage. Car la meilleure forteresse est assaillie : le cœur et l’esprit de notre peuple.

Aux armes donc, vous les intellectuels qui avez des armes : votre parole, votre plume, votre exemple. Soutenez les écrivains qui luttent contre le torrent impur ; répandez les bons écrits, et, si vous avez le don du verbe, usez-en pour les multiplier. Surtout ne vous intoxiquez pas vous-mêmes, sous prétexte que