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À PROPOS DE QUELQUES ROMANS
RÉCENTS ET DE BEAUCOUP D’AUTRES


Le roman, c’est l’épopée devenue bourgeoise. On ne lit plus d’épopées. On n’en fait plus. On n’a plus le temps. On est pressé. Time is money. Il suffit à peine d’une vie pour composer une épopée. Il ne faut que quelques mois pour écrire un roman. Et ceci rapporte davantage. Voilà pourquoi l’épopée est morte, et le roman florissant. Et aussi parce que notre siècle démocratique demande une littérature à son image. Le grand art disparaît. Nous sommes aux portes de la « Pambéotie[1] ».

Je médis du roman ? Oui et non. Il y a de bons romans, comme il y a de bons champignons. Il y en a de moraux, et de fort bien écrits. Et ce sont encore des épopées, somme toute, moins le vers et le merveilleux ; les héros, pour n’être plus ni fils de dieux ni même fils de rois, peuvent être très grands encore et très nobles ; quoique dépouillée de son éclat extérieur, l’action peut être digne encore d’intérêt et capable d’émouvoir profondément. Et vous sentez bien que ce n’est pas à ces romans-là que j’en ai. Mais à la camelote qui inonde le marché du livre. Cela grouille partout, la camelote. Rien ne se vend mieux. L’imagination, le cœur, le goût de la foule, corrompus par les

  1. Le magnifique renouveau dont j’ai parlé ne doit pas nous donner l’illusion que toute la littérature s’assainit. Hélas ! pour un bienfaiteur littéraire, que de malfaiteurs encore !