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LE BEAU RÉVEIL

simples, comme Jammes, Braun, Lafon, pour embrasser leur art poétique.

Plus que son père, sa mère eut de l’influence sur sa vocation. Fille et petite-fille de grands fermiers, ayant hérité de ses ancêtres terriens l’amour des arbres et des fleurs et un vague sentiment de la nature, elle contait volontiers à ses enfants la vie patriarcale des fermes de jadis, sa vie de jeune fille dans un décor de prairies et de labours. À ses paroles, le futur poète voyait se préciser, au fond d’une vaste cour, sous un toit moitié d’ardoises, moitié de tuiles vêtues de chaume épais, la vétuste façade blanche, aux lourds contrevents, et où une vigne noueuse courait qu’on eût prise, en hiver, pour un réseau de veines saillantes sur le visage d’un vieillard ; — il évoquait, dans la grande cuisine basse aux solives de chêne auxquelles on accrochait le fusil de chasse et les jambons fumés, le repas du soir autour de la grande table de bois blanc. Et toute cette poésie rustique le passionnait déjà. Les lis qu’enfant sa mère cultivait dans le courtil, derrière la maison ; l’agneau blanc au collier de laine rouge qui l’accompagnait, jeune fille, dans ses promenades le long du ruisseau bordé d’aulnes ; voilà deux points lumineux dans l’imagination de ce poète, et ils donneront à ses productions littéraires ce qu’elles ont de tendresse sans mièvrerie et de grâce sans apprêts.

Le petit garçon, studieux et sage, pouvait accompagner quelquefois ses parents dans leurs visites. Son village natal vit surtout de la culture et de l’exportation des fleurs rares. Partout des serres allongent leurs cercueils de vitres verdâtres parmi les chatoyantes floraisons et les verdures luisantes. D’étroites al-