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HISTOIRE D’UN PAUVRE PETIT POÈTE
QUI MOURUT À LA GUERRE


Il avait une âme profonde et agitée comme la mer…

Tout enfant, il préférait aux jeux bruyants de ses petits camarades la songerie muette dans un coin de jardin, peuplé pour lui de tout un monde vivant qui le regardait… Cet univers d’un arpent, — ce courtil où les lis blancs succédaient aux tulipes dans les parterres, et les roses trémières aux tournesols le long de la muraille ; ce potager divisé en plates-bandes où des loques bleues flottaient au bout d’un bâton pour écarter les oiseaux, et que séparait un sentier de sable bordé de groseillers, — déposa sans doute en lui ces images simples dont plus tard, sa voie trouvée, il vêtirait son rêve.

Il aimait aussi à trotter, attentif et sage, aux côtés de ses grands frères, dans leurs promenades parmi les blés ou sur les grand’routes voûtées de l’ombre verte des ormes. Les moulins qui marquent de croix de Saint-André les horizons de Flandre le hélaient de leurs grands bras écartelés sur le ciel bleu… Les bois de hêtres, où l’on allait, en bandes, après la classe, ramasser des faînes, lui parlaient de belles choses mystérieuses qu’il semblait comprendre sans pouvoir leur donner une forme et un visage[1]. La mer bleue

  1. Il aimait à rappeler ces fins d’après-midi dorées où il avançait lentement, plié en deux, écartant du pied les feuilles mortes qui cachaient les faînes. Une lumière ver-