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ÉLOGE DES POÈTES


Quelqu’un a dit qu’au xxe siècle les vers ne se liraient plus, et qu’en l’an 2000 il ne se trouverait plus personne pour en faire.

Quand on regarde fleurir le printemps de ce siècle, vraiment on est peu disposé à croire à la réalisation de cette lugubre prophétie.

Il y a aujourd’hui beaucoup de poètes, et plusieurs très grands. Et demain aussi en aura. Les jeunes se lèvent. La guerre finie, ils ont saisi — ou repris — la lyre. Et certains apportent de splendides promesses.

J’aime beaucoup les poètes, pourvu qu’ils se respectent et qu’ils respectent leurs lecteurs. Je les trouve aussi peu nuisibles que les roses, le clair de lune et les rossignols, — et presque aussi agréables. Je les crois même nécessaires ; — plus que jamais en ce siècle bourgeois, qui méprise l’idéal comme des sornettes. Si la poésie n’existait pas, il faudrait l’inventer.

Je bénis les poètes parce qu’ils sont heureux, — et parce qu’ils distribuent leur bonheur avec prodigalité, comme le tilleul son ombre.

Les poètes sont heureux. Vous vous récriez ? C’est pourtant vrai. Ils ont le bonheur des enfants, et ils le goûtent comme des hommes. L’enfant approche de ses lèvres un bâtonnet, et dit : c’est une trompette. Et