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GUIDO GEZELLE

acune idée de ce qui constitue peut-être l’art suprême de Gezelle ; la musique du vers, l’infinie variété des rythmes, la nouveauté parfois si drôle de la rime, le pouvoir magique des mots non seulement en tant qu’images, mais en tant que sons. Il ne peint pas seument par les couleurs : il peint par le rythme et la mélodie. Tous les bruits de la nature passent dans sa musique, et les sons seuls ont déjà le pouvoir, par leur enchaînement et leur savant mélange, de suggérer un état d’âme, d’indiquer une douce inflexion de lignes ou un éclatant mélange de couleurs. Les onomatopées, nombreuses dans la langue flamande, les allitérations, qui sont un élément important du vers dans les langues germaniques, il les utilise à merveille, avec une adresse et une sûreté de goût remarquables. Une de ses odes au Rossignol est un modèle parfait de peinture par les sons.

« Les poèmes de Gezelle, écrit un critique musical[1], sont si achevés, donnent une impression si complète, si musicale en eux-mêmes, qu’il est scabreux de vouloir les revêtir d’un vêtement sonore supplémentaire[2]. »

La musique, disent les rêveurs, est la langue des anges. En tout cas, sa fonction la plus auguste est de

  1. Charles Martens : Deux interprètes musicaux de Gezelle.
  2. Mais à cause de cette perfection même, ils ont tenté de nombreux artistes, hollandais et belges, (notamment les grands compositeurs flamands Jos. Reylandt et Lod. Mortelmans.) Les Kleengedichtjes, toutes petites piécettes de facture simple et parfaite, qui sont de l’émotion condensée et synthétisée, ont ainsi servi de texte à de très belles pages musicales, modèles du lied artistique.