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LE BEAU RÉVEIL

tout entière ; et l’on ne peut le connaître bien que si l’on se laisse imprégner tout d’abord par l’atmosphère brumeuse et souriante du pays où il est né. »

On comprend aisément que cet humble prêtre, qui demeura toute sa vie un campagnard, qui voyagea peu, qui eut peu de relations et qui se défendit toujours d’être un « homme de lettres », ait gardé et communiqué à son œuvre la simplicité qui est le caractère distinctif de son peuple. Son âme que n’effleura jamais un souffle impur et dont nulle passion mauvaise ne flétrit la fraîcheur, se livre, candide et franche, dans son œuvre d’une si belle sincérité :

«Ainsi je parle,
Ainsi je pense,
Ainsi je chante,
Ainsi j’agis. »

« Doux et bon je voudrais être, comme la fraise parfumée, comme le lis blanc et délicat, comme le romarin embaumé. Si j’avais tous les trésors de la terre, je les donnerais pour un cœur d’enfant, ô si volontiers ! » Cet idéal, il le réalisa. Avant de rendre le dernier soupir, il pouvait dire : « Je suis tranquille, je crois que j’ai toujours vécu in simplicitate cordis et veritate.[1] » L’ingénuité, la fraîcheur d’impressions, la candeur donnent à sa poésie un charme incomparable. On songe tout naturellement à le rapprocher de Francis Jammes ; mais, au point de vue qui nous occupe, la comparaison est tout à l’avantage de Gezelle.

  1. Ce fut une des dernières paroles du poète mourant.